Mieux définir la transformation numérique pour mieux l’accompagner
Au Québec, depuis quelques années, énormément de programmes et d’actions sectorielles et régionales sont mis en place afin de stimuler et accompagner la transformation numérique des organisations, qu’ils s’agissent d’entreprises, d’organismes à but non lucratif ou autres. J’ai d’ailleurs déjà partagé certaines réflexions dans un billet sur l’accompagnement du milieu culturel. Pourtant, peu d’écrits ont été réalisés afin de documenter les « communs » dans les façons de faire. À ma connaissance, il n’existait pas encore de recherches scientifiques sur le sujet au Québec.
Voilà que dans le cadre du projet Plus Numérique, une OTN initiée par Colab Innovation sociale et culture numérique, une professeure et un candidat au doctorat de l’Université du Québec à Trois-Rivières viennent de publier une étude sur le thème de la transformation numérique et de l’accompagnement. C’est à travers le mandat d’accompagnement que j’ai moi-même avec le Colab que j’ai appris l’existence de ce document. Celui-ci a une valeur importante parce qu’il vient confirmer des éléments liés à la pratique que je vis depuis une dizaine d’années.
Dans ce billet, je vous présente les points que je retiens plus particulièrement de la lecture de ce document. Je vous conseille fortement d’en prendre connaissance si vous agissez à titre d’accompagnateur de la transformation numérique d’une organisation ou si vous pilotez une stratégie d’accompagnement de la transformation numérique de votre secteur.
Les communs de la transformation numérique
L’un des objectifs de l’étude était de mieux définir le phénomène de la transformation numérique. Sans surprise, « le premier constat [des chercheurs est] qu’il existe non seulement de nombreuses définitions du phénomène, mais aussi que celles-ci divergent quant à la nature, la portée et la réelle complexité de ladite transformation. » J’ai enfin une recherche sur quoi m’appuyez pour ceux qui sont encore en quête de la définition parfaite 🤪 !
Par contre, toutes les définitions ont des points en communs : « La transformation numérique dépasse largement le simple choix d’un outil informatisé ou d’une technologie numérique et [elle] concerne les processus, les structures, autant que les relations et les individus, et ce, à l’intérieur de même qu’à l’extérieur d’une PME/PMO ». Chaque transformation numérique est donc unique à l’organisation dans laquelle elle se déploie et elle touche l’ensemble des personnes « gravitant dans et autour » de l’organisation elle-même.
La première étape pour mieux accompagner la transformation numérique serait donc de prendre conscience du fait qu’il n’existe pas UNE façon de procéder. « Le “one size fits all” n’est assurément plus une option valable », citent les chercheurs. Les objectifs stratégiques et d’affaires doivent plutôt guider chaque action.
Continuité ou rupture?
De même, la transformation numérique n’a pas nécessairement à entraîner une refonte du modèle d’affaires des organisations. Elle n’a pas besoin d’être en complète rupture avec ce qui existait jusqu’à présent. Je pourrais même dire que ce n’est pas souhaitable dans tous les contextes. Quand je pense au milieu culturel, il est facile de dire que les secteurs de la musique et du cinéma ont connu des transformations « disruptives ». Fort probablement que l’on peut qualifier la pandémie comme un point de rupture pour les arts vivants. Par contre, pour certaines formes de pratiques artistiques, la continuité est de mise. Dans plusieurs secteurs, le public est au rendez-vous. À titre d’exemple, les ventes de livre « papier » continuent d’augmenter, et ce, malgré une transformation numérique qui s’est opérée depuis plusieurs années déjà dans ce secteur.
À la page 10, on peut lire :
« Ce qui importe alors est donc de déterminer si la transformation numérique envisagée vise principalement à :
1) soutenir la proposition de valeur existante de l’entreprise grâce à une innovation incrémentale (ou de « continuité ») soutenue par les TI;
ou plutôt à
2) permettre de revoir les fondements du modèle d’affaires grâce à une innovation plus radicale (ou de « rupture ») dont les retombées sont potentiellement plus importantes pour la compétitivité et la performance de l’entreprise (Raymond et al., 2023) ».
Bref, l’important, c’est que la transformation numérique soit au cœur de la raison d’être de l’organisation et pas seulement une série de projets technologiques qui se succèderont. Encore là, la recherche fait écho à de nombreuses discussions que j’ai eu avec des têtes de réseaux sur la « nécessaire » transformation numérique du milieu artistique et culturelle, mais de quelle transformation parle-t-on ?
Les 4 éléments-clés
Au fil de leur recherche, les auteurs ont identifié quatre éléments clés qui devraient guider les projets de transformation numérique :
- une utilisation qui reflète la capacité d’exploration et d’exploitation des nouvelles technologies;
- des changements à la création de valeur qui s’appuient sur la transformation numérique et son influence;
- des modifications aux structures organisationnelles, aux processus et aux compétences soutenues par les nouvelles technologies et leur exploitation;
- une mise en action adéquate et des capacités financières capables de soutenir la transformation numérique dans le temps.
Les fameux « quick wins »
Lorsqu’il est question de transformation numérique, il n’est pas rare que j’entende parler des « quick wins ». Ceux-ci peuvent être définis comme des projets qui donnent des résultats rapides pour montrer des retombées positives possibles de la transformation numérique. Les auteurs mettent en garde les organisations qui sont tentées de miser sur ceux-ci.
En gros, ils invitent les organisations à se demander si ce qu’elles tentent de résoudre avec un « quick win » ne serait pas plutôt un faux problème ou le symptôme d’un autre problème ou enjeu plus important. De là, encore, l’importance d’entreprendre avant tout une réflexion sur la création de valeur recherchée avec la transformation numérique, en lien avec les objectifs stratégiques et d’affaires.
Force est de constater que ma lutte au « quick wins » n’est pas terminée. Je réalise souvent des mandats sur 6 mois ou 1 an visant la transformation numérique des organisations, des secteurs et des territoires. Le « quick wins » est présent dans de nombreux programmes et c’est pour cette raison qu’il faut réfléchir à nos stratégies d’accompagnement. Ce rapport de recherche vous permettra assurément de poursuivre sur des bases solides.
Consulter le rapport complet de l’étude réalisée par Claudia Pelletier et Chiraz Dabbabi à l’Université du Québec à Trois-Rivières : La transformation numérique des PME/PMO : mieux la définir pour mieux l’accompagner
Les publications sur mon blogue sont réalisées grâce à la complicité de ma collaboratrice et amie Martine Rioux (Scriba) qui m’appuie avec sa grande expertise de communicatrice et rédactrice de contenu.