La communauté de pratique au cœur du développement de compétences

Le concept de communauté de pratique (CoP1) suscite un intérêt grandissant dans plusieurs secteurs d’activités (santé, éducation, culture, entreprenariat, etc.). Au fil de mes expériences professionnelles, j’ai participé à la mise en place et à l’animation de plusieurs CoP. Ce type de regroupement permet aux participants, à travers le partage d’expériences, d’apprendre les uns des autres, de développer un savoir commun et de parfaire leurs connaissances. Pour moi, la communauté de pratique fait définitivement partie des stratégies à utiliser pour favoriser le développement des compétences numériques.

Une communauté de pratique est composée des praticiens qui ont choisi volontairement d’en faire partie. C’est un lieu d’échange sur une pratique professionnelle commune. On me demande souvent la différence entre une communauté d’entraide et une communauté de pratique. À mon sens, la communauté d’entraide vise le soutien mutuel entre ses membres et encourage le partage d’information, mais elle n’est pas basée sur la collaboration, le partage des savoirs et l’apprentissage. 

C’est quoi une CoP?

Il existe plusieurs définitions de ce qu’est une CoP. La définition de Wenger, McDermott et Snyder (2002) est la plus répandue :

« Les communautés de pratique sont des groupes de personnes qui se rassemblent afin de partager et d’apprendre les uns des autres, face à face ou virtuellement. Ils sont tenus ensemble par un intérêt commun dans un champ de savoir et sont conduits par un désir et un besoin de partager des problèmes, des expériences, des modèles, des outils et les meilleures pratiques. Les membres de la communauté approfondissent leurs connaissances en interagissant sur une base continue et à long terme, ils développent ensemble de bonnes pratiques. »

Je tiens au passage à souligner l’énorme travail de recension fait par Fabrice Marcoux, alors qu’il était agent de développement culturel numérique pour la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec et membre actif de la communauté de pratique du RADN. Dans ce billet, il présente un portrait très complet du concept de CoP, les objectifs (référer à la section 1.2 du billet) et les enjeux de la création de CoP, de même que les principes-clés de toute CoP. Quiconque s’intéresse au sujet devrait le lire.

Communauté apprenante

Personnellement, lorsque je lis la définition proposée ci-haut, j’ai envie d’y apporter une précision.

Tout d’abord, je tends à délaisser le mot « pratique » dans les communautés que j’accompagne au profit de l’expression « communauté apprenante » ou « communauté d’apprentissage ». Au-delà de l’entraide, de l’expérimentation et des partages, les communautés de ce type doivent aussi permettre de se former, de se développer professionnellement et de participer à l’émergence d’une culture de l’apprentissage tout au long de la vie. D’ailleurs, Wenger, celui-là même qui a participé à l’élaboration de la définition de CoP, utilise également « espaces sociaux d’apprentissage » comme synonyme de communauté de pratique. 

C’est effectivement le cas lorsqu’il est question de développement des compétences numériques comme thème réunissant une communauté de pratique. À ce moment, le groupe agit comme filet de sécurité permettant à tous de poser des questions, d’essayer et… d’apprendre, sans crainte du jugement des autres, en évacuant la peur de se tromper. 

La communauté de pratique en bref

À partir de ces définitions et de mon expérience professionnelle, il est possible d’établir les 4 fonctions principales de la communauté apprenante (voir infographie).

  1. S’entraider

Mettre en commun des enjeux et défis, des préoccupations ou des projets et faire émerger des solutions ensemble.

  1. Expérimenter

Tester des idées, des projets et des solutions et les mettre en application afin de les valider.

  1. Partager

Échanger des expériences, des bonnes pratiques, des apprentissages, documenter pour favoriser le transfert des connaissances et développer des outils communs.

  1. Se former

Apprendre les uns des autres, acquérir de nouvelles compétences et connaissances, mobiliser les savoirs acquis dans une perspective d’apprentissage.

Remix du modèle classique (auteur inconnu)

Nécessaire accompagnement

Dans de nombreuses communautés, des animateurs (aussi appelé acteurs transversaux) sont dédiés à entretenir le lien et les activités entre les participants. La présence de ces « acteurs sociaux » participe à la gestion des connaissances et au développement des capacités d’apprentissage, tel que cela a été documenté par la recherche

Le rôle de l’animateur pourrait se résumer ainsi : 

  • Accompagner les participants dans leur parcours (chacun à son rythme),
  • Encourager leur changement de posture (apprendre à apprendre),
  • Stimuler les réflexions individuelles et collectives (faire ensemble),
  • Créer les occasions de partage (provoquer les échanges).

C’est ce rôle que j’ai moi-même joué pour le Réseau ADN de 2018 à 2022. Actuellement, je poursuis ce rôle avec la mise en place de nouvelles communautés comme celle de Plus numérique initiée par COlab, le centre d’innovation sociale et culturelle numérique et celle de dédié également à la transformation numérique des organismes œuvrant auprès des personnes proches aidantes initiée par L’Appui.

Parfois, j’accompagne plutôt qu’anime. Cela a été le cas pour FADIO, le Laboratoire d’enseignement des arts La ruchée et La bande numérique de la Fédération culturelle canadienne-française (FCCF).

Dans tous ces cas, les secteurs d’activités sont différents (culture, économie, santé, entrepreneuriat) et les participants le sont tout autant. Néanmoins, les défis de la transformation numérique se ressemblent étrangement. Déjà, la force de ces communautés est ce désir d’apprendre ensemble et de comprendre que les défis associés au numérique sont trop grands pour y faire fasse tout seul.

Finalement, je m’en voudrais de ne pas terminer ce billet en citant deux témoignages recueillis au sein de la communauté de pratique des agents de développement culturel numérique. Ceux-ci résument assez bien le potentiel derrière chaque communauté apprenante.

« […] les communautés de pratique constituent des laboratoires intéressants pour expérimenter notre rapport à la culture numérique, car ils sont chacun à leur façon un creuset où s’élabore le “milieu de culture” d’où émerge la société que nous nommons «notre monde». »

– Fabrice Marcoux, ADN Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec

« Mon équipe pense que je suis une magicienne, mais en fait, je tire des ressources de la CP du Réseau ADN »

– Maryse Dupuis, ADN du Regroupement des artistes en arts visuels

Les publications sur mon blogue sont réalisées grâce à la complicité de ma collaboratrice et amie Martine Rioux (Scriba) qui m’appuie avec sa grande expertise de communicatrice et rédactrice de contenu.


(1) CoP : Dans le milieu éducatif, l’abréviation CP réfère aux conseillers pédagogiques. Nous utilisons donc l’abréviation CoP pour communauté de pratique afin d’éviter toute confusion. Dans ce cas, le o doit être minuscule, car il ne marque pas le début d’un mot. Il sert à identifier le mot communauté.

Post by chenierannie

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