La boîte à pitons, une application jeunesse de littérature interactive
Nous attendons avec impatience le lancement de l’application la boîte à pitons, une initiative numérique littéraire à destination des lecteurs de 3 à 8 ans. Littéraire, mais pas seulement ! Comme nous le précise Prune Lieutier, directrice du développement stratégique du projet, que c-pour.ca a rencontré, il est également question de médias interactifs voir créatifs.
Le projet a démarré en 2014, Prune Lieutier est doctorante en études et pratiques des arts à l’UQAM, elle étudie la littérature enrichie, son développement : « comment un professionnel, un artiste, crée un livre numérique dans lequel il y a des interactions, une structure narrative qui se complexifie ». Elle rencontre Véronique Fontaine directrice générale des éditions André Fontaine, Fonfon et elles décident ensemble de lancer le projet la boîte à pitons autour d’une idée géniale : créer un livre interactif enrichi ! Elles collaborent alors avec le studio créatif Akufen pour gérer la production de leur projet. Aidée par une bourse d’études MITACS, la boîte à pitons a 18 mois pour mener à bien ce projet de « numérique à modeler ». A la fin de la bourse MITACS Véronique et Prune décident de s’associer avec le directeur technologique d’Akufen et de cofonder la boîte à pitons. En novembre 2015, la jeune entreprise reçoit le Prix MITACS pour la commercialisation.
Livre interactif enrichi
La boîte à pitons a créé ses trois premiers livres interactifs enrichis à partir d’ouvrages déjà publiés aux éditions Fonfon. Elle a collaboré avec les auteurs, les illustrateurs, mais aussi des développeurs pour créer un contenu interactif. Les applications offrent à la fois un livre enrichi et une plateforme de création. Le livre enrichi propose un mode sans narration et un mode avec narration préenregistrée, une musique originale, le surlignage des mots lors de l’écoute de la narration et des mini-jeux intégrés. La plateforme de création permet de concevoir jusqu’à 5 livres de 10 pages maximum modifiables à volonté (histoire, titre, auteur, couverture), de redimensionner et de positionner des éléments visuels riches tirés des illustrations originales (décors et personnages), mais aussi d’enregistrer sa voix. Toutes les histoires sont bilingues, ce qui ouvre à la jeune entreprise les lecteurs du marché national et international. Chaque livre a son application, à ce jour trois ont été conçues, elles seront prochainement accessibles sur App Store et Google Play à 5$. L’équipe a pensé à ses jeunes lecteurs en évaluant le rythme d’interaction propre au support tablette : « les histoires sont adaptées au temps de lecture car les enfants ne passent pas une heure devant la tablette ».
Le lectorat jeunesse
La boîte à pitons à adapté le contenu de ses livres pour s’adresser au mieux à ses jeunes lecteurs et aux différentes tranches d’âges. Elle a collaboré avec des conseillers pédagogiques, des enseignants et des professionnels de la didactique. Les applications s’adressent aux jeunes lecteurs dans le cadre familial et scolaire.
Lors du dernier Salon du Livre de Montréal en novembre 2015, l’équipe a observé les réactions des jeunes lecteurs dans leur utilisation des applications. Les plus petits enregistrent des sons, se réécoutent, tournent la page et écoutent la voix se déclencher. Ils rient et organisent un véritable travail collaboratif autour de l’histoire qui se construit. Les plus grands s’entraînent, s’enregistrent, bien souvent un meneur prend en main les autres. Ils sont plus tournés vers le texte et écrivent des histoires assez construites. Comme nous l’explique Prune, les plus de 8 ans ont également embarqué : « on pensait que ça plairait aux 3-8 ans, mais les plus grands aiment lire leurs histoires aux plus petits ». Le livre permet également de s’adapter aux situations familiales : « pour les familles de parents à distance ou séparés, l’application permet de préenregistrer les histoires pour leurs enfants ».
Les applications sont également adaptées aux enjeux éducatifs. Les commissions scolaires pourront les acquérir en quantité pour un achat adapté à leurs besoins. Chaque application a fait l’objet d’une fiche pédagogique élaborée par des professionnels de l’éducation, pour permettre à l’enseignant d’accompagner l’enfant dans la création de son livre. Le rythme du livre interactif enrichi est adapté, l’enseignant peut l’utiliser sur plusieurs semaines : « en construisant la narration, en déterminant ce qui arrive aux personnages, en comprenant que chacun à son caractère, avec l’importance des péripéties et la construction d’une fin. Toutes ces étapes ont un côté valorisant pour l’élève ». L’application permet également de concevoir collectivement des projets aux structures narratives complexes : créer une histoire, y intégrer du son et un certain nombre de médias. Mais Prune souligne également l’enjeu du numérique dans les apprentissages des élèves : « apprendre aux enfants à produire des messages multimodaux, c’est aussi apprendre à les décoder. C’est-à-dire avoir du recul, comprendre et savoir faire le tri ». Les modifications possibles de la place des visuels, ou l’intégration du son permettent de comprendre le pouvoir des mots et des images.
Entre littérature et média interactif
Le livre enrichi est encore au stade de développement dans l’industrie littéraire. Prune en souligne les possibilités : « le livre enrichi est complémentaire du livre. Les éditeurs sont encore dans l’expérimentation, même s’il reste mineur, il faut considérer ce virage numérique. Il permet notamment à de petites maisons d’édition de s’exporter à moindre coût, sans prendre de risques. » Bien entendu ce nouveau format de livre n’est pas sans poser de questions, notamment sur les droits d’auteurs. Les équipes déployées sont plus importantes, le livre interactif enrichi demande de mobiliser plus de professionnels, notamment des développeurs. Comme il n’est pas une numérisation du livre en format PDF, mais bien une création unique, on ne peut pas lui appliquer les mêmes droits d’auteurs qu’un livre numérique. Il n’existe pas encore de règles en la matière. Les recherches de Prune questionnent ce nouveau format : « quel est l’impact créatif ? Est-ce qu’on donne aussi un pourcentage à l’éditeur, au contenu narratif, au développeur ? Pour mesurer leur impact créatif à eux aussi. » Ce travail de recherches permet aussi de se questionner sur les termes, car il n’existe pas encore de glossaire précis sur le livre interactif enrichi. La boîte à pitons expérimente et se développe tout en s’ouvrant à d’autres domaines. Son approche en matière de financement et de développement marque cette réflexion entre littérature et média interactif : « toutes les demandes que nous avons déposées sont dans le cadre de la création numérique. Une application interactive n’est pas considérée comme un livre. Qu’est-ce qu’un livre dans le fond?»
La boîte à pitons, un projet à suivre
Actuellement en cours de validation, l’application sera bientôt disponible sur IOS et Android. Les lancements auprès des publics et des professionnels sont prévus pour le mois de février. Lors de ces présentations, la boîte à pitons a prévu des activités pour les enfants, à la fois de contes et de création, mais aussi un 5@7 pour répondre aux questions des professionnels et discuter ensemble du livre interactif enrichi. Assurément nous y serons !
Mais l’équipe nous réserve encore des surprises, comme le précise Prune, la boîte à pitons souhaite aller à la rencontre de ses publics : « nous voulons passer par l’appropriation, entrer dans l’expérience en créant une expérience interactive, immersive. Nous voulons aller sur le terrain de l’expérimentation ».
Pingback: Initiatives culturelles numériques, bilan à mi-parcours | C-pour.ca